Notre Assemblée Générale Annuelle est l'occasion de rencontrer nos adhérents. De 1966 à 1973, l'Eglise St Pierre de LA CHAPELLE LASSON fit l'objet de travaux entrepris par de jeunes volontaires pendant leurs vacances: l'un deux nous raconte. 
Je
 ne  me  souviens  plus  de  ce  Saint - Fiacre  .  Avec  son  nom  à
 être  tiré  par  quatre  chevaux  noirs  ,  il  est  sorti  au 
galop  de  ma  mémoire  .  Par  contre  ,  en  voyant  la  photo  de
 la  Vierge   à   l'Enfant  ,  mon  regard  est  descendu 
immédiatement  sur  ses  mains  ,  à  la  recherche  du  doigt 
cassé.
Elle
 se  tenait  droite  sur  son  piédestal. Un  léger  déhanché 
contrebalançait  le   poids  de  l‘enfant  supporté  par  le 
bras  gauche  un  peu  tendu,  la  main  droite    accompagnant 
son  maintien   d‘un  geste  rassurant.  Le  mouvement  du 
drapé  rouge  et  bleu  ourlé  d'or  soulignait  la  posture  et
 entraînait  notre  regard  du  socle  à  la  toge  ,  puis  la 
main  rassurante  ,  l‘enfant  ,  son  regard  attendri  sur les 
yeux  de  sa  mère  pensive . 
Paul
 ,  le  jeune  abbé  qui  dirigeait  le  Chantier  de  Jeunes  , 
aimait  préciser  que  cette  Vierge à  l'Enfant  provenait  de
 l'École  Troyenne  de  Sculpture , fin XVIème    .
 “  C‘est  la  meilleure  époque  pour  ce  type  de  sculpture  ...  " 
précisait - il.  Ainsi  donc, tout  comme  la  plupart  d ‘
entre  nous  ,  la  Vierge  à  l‘Enfant  était  d‘origine 
champenoise  .  A  quelques  siècles  prêt  ,  l‘une  ou  l‘autre  de  nos  mères  aurait  pu  servir  de  modèle  au 
talentueux  sculpteur  .
Et
 ainsi  donc  ,  l'une  ou  l'autre  d‘entre  nous 
aurait  pu  être  la  grande  sœur  ou  le  frangin  du  p’tit 
jésus  .  Nous  avions  une  très  forte  charge  affective  à  l‘égard  de  cette  mère  d‘une  beauté  apaisante  .  Elle 
rayonnait  ,  tel  un  trésor ,   de  toute  son  humanité 
bienveillante  .
Et
 c‘est  là  que  tout  s‘est  un  peu  gâté  .
Notre 
tâche  quotidienne  de  taille  de  craie  ,  de  gâchée  de 
chaux  ,  de  pose  de  blocs  fût  interrompue  par l‘arrivée
 de  deux  lascars  tout  droit  sortis  du  film  “  Le  Parrain 
“  de  Francis  Ford  Coppola  .  Cheveux  gominés,  imper 
impecc  ,  chaussures  bicolores    ,  ils  se  sont  dirigés 
lentement  vers  la  Vierge  à  l‘Enfant  sans  nous  jeter  le 
moindre  regard  .
S
‘ adressant  à  Paul  qui  venait  sur  eux  ,  le  plus  râblé 
lui  dit  
“  ...
 Ces  temps - ci  ,  de  nombreux  vols  d‘objets  sacrés  ont 
eu  lieu  dans  les  églises   ...  Vous  n‘avez  pas  été 
inquiétés  ?  ...  une  statue  comme  celle - ci  vaut  son 
pesant  de  cacahuètes  ...  çà  serait  dommage  de  la  perdre 
..." Il  tend  à  Paul  une  carte  .  “  ...  notre 
entreprise  protège  les  œuvres  d‘art  ...  Si  vous  êtes 
intéressés  ,  téléphonez - nous  ...  et  on  viendra  chercher 
ce  que  vous  voulez  protéger  ... nous  sommes  en  banlieue 
parisienne ... à  bientôt  peut-être".
Sur
 ce  ,  ils  s‘en    vont  aussi  vite  qu‘ils  nous  étaient
 apparus 
Les  Anges 
Gardiens  de  l ‘ART 
33
 ,  rue  d ‘ Ivry  sur  Seine
94
 -   Vitry  sur  Seine
Tél.
   ... 
  je  ne  me  souviens  plus  du  téléphone
A
 quelques  détails  prêt  ,  le  contenu  de  la  carte  ...  c'était  çà. Précisément   ,  comme  le  soir  même  je 
devais  rejoindre  Paris  ,  je  proposais  à  Paul  de  visiter 
cette  entreprise  .  Il  devait  y  en  avoir  de  belles  œuvres 
à  contempler  incognito  dans  un  tel  endroit  .
Je
 me  suis  retrouvé  rue  d'Ivry  sur  Seine  à  Vitry  sur 
Seine  .  La  recherche  du  hangar  de  stockage  d ‘œuvres  d ‘art  fut  difficile  à  trouver.  Une  vaste  friche  de 
démolition  occupait  l‘ espace  .  Si  la  rue  commençait  de 
1  à  7  ,  elle  reprenait  à  77  pour  se  terminer  à  97     
  ...        Pas  de  numéro  33       ...
Le
 lendemain  ,  de  retour  au  Chantier  de  Jeunes  ,  quand  j‘ai  raconté  l‘entourloupe  à  Paul  ,  il  y  a  eu  comme  un
 vent  de  panique  .
Nous
 avons  couché  la  Vierge  et  son  Enfant  sur  un  brancard  à 
grandes  roues qui  devait  ,  il  y  a  longtemps  ,  servir  pour 
les  enterrements  .  Pour  faire  le  récit  plus  authentique  , 
je  dirais  que  nous  avons  calé  son  dos  avec  de  la  paille 
.  Et  comme   si  on  allait  nous  la  voler  alors  que  nous  l'avions  rendue  mobile  ,  nous  nous  sommes  mis  à  pousser  ,  à
 tirer  le  chariot sur  le  carrelage de
 l‘église  ...  à  travers  les  graviers  du  cimetière  ... 
Sur  la  route  tout  en  prenant  de  la  vitesse  jusqu‘ à  un 
endroit  de  La  Chapelle  Lasson  où  habituellement  nous 
stockions  tentes  et  matelas  .  En  passant  la  grille 
prestement  ouverte  par  Paul  ...  je  ne  sais  plus  si c‘est  Vital  ,  Daniel  ou  Maxime  ...  mais  celui - là  a 
voulu  maintenir  la  Vierge  en  déport  dans  le  virage  à  l‘entrée  de  la  courette  ...
Un
 doigt  est  tombé  ...  je  ne  sais  plus  si  c‘est 
Jacqueline  ,  Guillemette  ou  Charlotte  ...  mais  celle-ci  l’a  ramassé  .  Le  doigt  de  la   Vierge  a  bien  failli  devenir 
caillou  parmi  les  cailloux  .  Nous  avons  glissé  la  statue 
entre  deux  matelas  ,  dans  l‘obscurité  d‘une  tanière 
.  On  ne  pouvait  plus  nous  la  voler  .
Le
 lendemain  ,  il  y  avait  comme  un  trou  noir  sur  le 
piédestal  .  Nos  éclats  de  rire  ne  fusaient  plus  sous  la 
voûte  de  craie  .  Le  temps  de  ranger  les  outils  ,  de 
balayer  l'église  ...  et  le  Chantier  de  Jeunes  s'est 
arrêté  là  ...  Ensuite  nous  avons  commencer  à  vieillir.